Résumé :
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Pourquoi les sciences modernes n’avancent-elles que sur le mode guerrier — guerre du scientifique contre ses concurrents, du savant contre le « charlatan », du « nouveau » contre l’« ancien » ? Pourquoi ces sciences s’affirment-elles sous le jour le plus faux : triomphe d’un savoir enfin objectif, neutre et désintéressé, produit par une démarche méthodique, humble et sereine ? Et pourquoi, lorsque les scientifiques osent dire leurs rêves et leurs ambitions, est-ce si souvent la spéculation arrogante et la polémique qui s’expriment ? Pourquoi, par exemple, la physique moderne est-elle habitée par la conviction qu’elle seule peut percer l’énigme de ce monde, énigmatiquement intelligible comme l’a dit Einstein ? Mais surtout, et inséparablement, comment créer d’autres manières de faire exister parmi nous les passions des scientifiques ? Est-il possible de les reconnaître sans les insulter, sur un mode qui les civilise, qui leur permette de s’affirmer sans nier les autres aventures humaines ? C’est pour tenter de répondre à ces questions qu’Isabelle Stengers revisite dans ce livre ambitieux — initialement publié en sept tomes — quelques grands moments de l’histoire des savoirs scientifiques, mais aussi quelques effets catastrophiques d’une présentation des sciences qui les oppose à l’opinion. Contre la façon dont les sciences dites « humaines et sociales » ont identifié raison et critique, Isabelle Stengers tente de répondre à la question cosmopolitique : comment les pratiques modernes, qui ont mis à jour les microbes et les électrons, les pratiques techniques, qui créent un autre ordre de savoirs, et les pratiques non modernes, qui échappent au savoir scientifique, pourraient coexister en paix ?
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